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que ces fiançailles ont eu pour gage la plus enfantine caresse, un baiser sur le front, qui n’a pas été renouvelé… Et puis, le lendemain, lorsque l’accordée est venue au rendez-vous, l’accordé, lui, n’y était pas. Quel saisissement et dont l’impression poursuit encore Hilda, après ces six mois, comme un cauchemar poursuit le dormeur à son réveil !… Ce jour-là, elle avait attendu un quart d’heure, une demi-heure, une heure. Une terreur l’avait saisie, celle d’un accident de cheval arrivé à Jules, tandis qu’il se dirigeait de son côté. Elle était rentrée rue de Pomereu, sans y rien trouver que le rogue visage de son cousin, qui lui avait annoncé son départ pour l’Angleterre, le soir même. Onze heures avaient sonné. Onze heures et demie. Midi… Rien de Jules… Envoyer Jack Corbin rue de Monsieur, aux nouvelles, comme elle avait fait durant la première semaine. Hilda ne le pouvait plus. La scène de la veille ne le permettait pas. Y aller elle-même ? Était-ce possible ?… Elle avait bien pensé à écrire. Mais la plume pesait lourd à sa main, peu habituée à exprimer des sentiments avec du « noir sur du blanc », — comme disait Beyle, ce passionné de naturel, qui l’eût tant aimée, si elle eût vécu en 1825, et qu’il l’eût rencontrée pendant qu’il pleurait sa Métilde ! — D’ailleurs, comme Hilda hésitait sur le plus ou moins de convenance de cette démarche, un commissionnaire était arrivé, portant deux lettres. C’était elle qui les avait reçues, par bonheur. Elle avait cru défaillir d’émotion en reconnaissant, sur les enveloppes, l’écriture de Jules. Une était à l’adresse de M. Bob Campbell, marchand de chevaux. L’autre portait le nom de la jeune fille. Dans la première, Maligny annonçait son départ immédiat, le jour même, pour des raisons de famille. Il demandait que M. Campbell vendît au mieux Chemineau et lui fît tenir un chèque rue de Monsieur, après s’être