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l’avance le reste des ennuis probables. C’était le concierge Firmin, de plus en plus inquiété par cette nouvelle visite de « l’Anglais peu catholique ». Il n’eut pas plus tôt aperçu son maître qu’il disparut, incapable, cette fois, de garder plus longtemps le silence, — et pour aller, en hâte, parler à Mme de Maligny ! On se souvient : il s’était déjà demandé s’il n’était pas de son devoir d’avertir sa maîtresse. Niaise démarche d’un très brave homme, qui devait avoir des conséquences bien funestes pour le bonheur de l’innocente Hilda ! La surprise de Jules était si complète qu’il ne remarqua ni cette station de son maître Jacques devant la porte cochère, ni cette disparition. Il ne vit que le maigre et sombre Corbin, auquel il adressa, pour obéir à la demande de sa fiancée, le plus gracieux des sourires, — et le plus perdu. Le profil chevalin du jaloux ne s’éclaira d’aucune lueur. Sa main ne se leva pas vers la visière de sa casquette, toujours abaissée sur sa cicatrice. Sa voix ne se fit pas plus douce pour prononcer des paroles qui avaient, pourtant, l’intention d’être conciliantes. C’était l’illustration à rebours d’un autre vers, aussi inconnu du digne Corbin que la description des statues de Zeuxippe par l’Alexandrin Christodore pouvait l’être de Maligny :

Et, jusqu’à je vous hais, tout s’y dit tendrement.

La plus violente aversion frémissait dans sa voix, tandis qu’il s’excusait de ses outrages de tout à l’heure :

— « J’ai voulu vous demander pardon, monsieur de Maligny, de ma colère devant Hilda. Je dois vous avoir demandé pardon, » insista-t-il. « Je ne suis pas sûr de vous revoir demain ni les autres jours. Alors, je suis venu vous attendre maintenant… »