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et contradictoires, par tout ce qu’il avait de si spontané, de si naturel. Il faut une autre expérience que celle d’une brave et simple fille, élevée par des braves gens, simples comme elle, pour comprendre que les âmes les plus perfides sont souvent celles qui semblent les plus enfantines. Elles ne sont, en réalité, que des âmes impulsives. Hilda l’aurait sue, d’ailleurs, cette mélancolique vérité, à quoi cette science lui aurait-elle servi ? Elle aimait Jules de Maligny, et quelle est l’enfant de vingt ans qui peut aimer et ne pas croire à la voix de celui qu’elle aime, lui disant : « Je vous aime » ? La sage, la prudente fille n’avait plus l’énergie de se dérober à cette perspective d’un projet d’union qu’elle venait de qualifier de folie. Surtout, elle ne pouvait plus cacher sa propre émotion. À l’insistance de Jules, qui répétait : « Dites que vous consentez à être ma femme ?… Dites que vous m’aimez ?… », elle répondit d’une voix à peine perceptible, où passaient enfin toutes les tendresses silencieuses dont elle étouffait depuis la première rencontre avec son sauveur :

— « Ah ! si je ne vous aimais pas, vous aurais-je écouté ?… »

— « Mais si vous m’aimez, dites que vous consentez à être ma femme… »reprit-il.

Cette fois, elle ne répondit pas d’abord. Jules, qui tenait ses deux mains dans la sienne, à présent, put sentir qu’elle se raidissait dans une tension suprême, celle d’un être qui ramasse sa volonté pour se donner ou se refuser à jamais. Ses yeux le regardèrent, de nouveau, de leur étrange et profond regard. Enfin, d’un accent redevenu clair et ferme, elle dit presque solennellement :

— « Je n’aurai pas d’autre mari que vous. »

— « Ce n’est pas assez, » fit Jules, « dites : Je vous aurai pour mari. »