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j’étais née dans son monde, je pourrais être sa femme. Et, toujours, je me suis répondu : Tu ne dois pas penser à cette folie… Une folie ! Oui, voilà le mot qu’il faut avoir le courage et de prononcer et de penser, à propos d’une union qui n’est pas possible, que vous reconnaîtrez vous-même n’être pas possible, quand vous aurez un peu réfléchi et que vous aurez repris votre sang-froid… »

— « Alors, » interrogea-t-il, « vous me répondez : Non ? » Et, comme elle se taisait, il reprit : « Voyez. Vous voudriez me répondre : Non. Vous ne le pouvez pas… Et pourquoi ? Ah ! miss Hilda, j’aurai, moi aussi, avec vous, une absolue franchise. Pourquoi ? Parce que tout, dans votre cœur, proteste contre ces sophismes de la convention, que vous venez d’invoquer. Vous m’avez parlé de ma noblesse, comme si les vanités sociales existaient pour l’amour, — de ma fortune, et je n’en ai pas, — de mon éducation, et je n’ai pas de carrière. Je suis ce que l’on appelle, si sévèrement et si justement, un inutile… Vous avez mentionné ma famille. Ma famille… Elle se réduit à ma vieille mère, et ma mère aimera qui j’aimerai. Quant au reste de mes parents, je serais un fou d’immoler ce que je sais devoir être le bonheur réel de toute ma vie, — à quoi ? À des noms sur des lettres de faire-part. C’est à cela que se réduisent mes plus importantes relations avec mes parents. Cela et quelques visites de temps à autre… Laissons ces prétextes, miss Campbell… Vous parlez de folie ? Voulez-vous que je vous dise où elle est, la folie ? Dans le fait de n’avoir pas le courage de ses sentiments, et vous n’avez pas le courage des vôtres… Je dirai tout… Je vous aime, Hilda, et vous… vous… vous m’aimez aussi. Autrement, que signifierait ce trouble dont je vous vois toute saisie ? Votre cœur bat pendant que je vous parle. Vous tremblez. Vos yeux, votre souffle, votre