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l’avez appelé un gentleman. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait, avec vous, que des intentions honnêtes. Et si j’ai les mêmes ?… Enfin, il est trop tard pour reculer… Cette proposition qu’il vous a faite, miss Campbell, si je vous la faisais, moi, à mon tour, me répondriez-vous comme vous lui avez répondu ?… Est-ce manquer à ma promesse que de vous dire, dans la même phrase : Je vous aime, mademoiselle Hilda, et je suis venu vous demander, très simplement, très loyalement, d’accepter de me confier votre bonheur, de consentir à être ma femme ?… »

Les paupières de Hilda n’avaient pas cessé de frémir de leur battement presque convulsif, pendant que le jeune homme lui parlait, ni ses lèvres de s’ouvrir, comme si l’air manquait à sa poitrine, sur ses dents qui se serraient. Le tremblement de ses mains s’était fait de plus en plus visible. Ses joues avaient achevé de se décolorer au point que Jules crut qu’elle allait s’évanouir. Sa tête se penchait, sous le poids de l’émotion trop intense. Le hasard voulut qu’un rais de soleil, glissant par la fenêtre, vînt caresser la masse serrée de ses cheveux d’or, dont les nuances chaudement fauves pâlissaient encore sa pâleur. Le corsage ajusté de son amazone aurait dénoncé les sursauts affolés de son cœur, si elle avait pensé à les cacher. Elle était trop profondément éprise pour avoir la force de cette dissimulation. Et puis se serait-elle estimée de ne pas répondre avec une sincérité entière à une démarche dont elle ne soupçonnait pas l’incroyable, la criminelle légèreté ?… Après quelques instants d’un silence que Jules eut la délicatesse de respecter, ses paupières se relevèrent sur ses beaux yeux clairs. Elle le fixa d’un de ces regards qui suivent un homme à travers la vie, quand il en a rencontré l’unique lumière, — même s’il trahit, même s’il abandonne celle qui l’a regardé ainsi ! Et, presque à voix basse :