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pas faire la seule action qui vous relèverait à mes yeux et aux vôtres, et qui prouverait que vous avez un réel sentiment de votre devoir… »

— « Une action ? », demanda Jules, interloqué par ce nouvel assaut de son adversaire. « Laquelle ? »

— « Vous en aller, » répondit Corbin… « Oui, vous en aller. Vous êtes riche. Vous êtes libre. Vous pouvez quitter Paris plusieurs mois. C’est le meilleur moyen de rompre sans explication des habitudes dont vous voyez déjà les conséquences… » Il montra, derechef, le journal que ses doigts avaient, dans leur énervement, réduit à l’état d’une loque informe. « Partez, monsieur de Maligny. Si vous restez à Paris, vous retournerez rue de Pomereu, c’est inévitable. Vous n’y retourneriez pas, que Hilda vous rencontrerait au Bois. Vous, l’éviteriez. Elle vaudrait savoir le pourquoi de ce changement… Un voyage, cela dispense de toute explication. Vous partez. Elle sait que vous êtes loin. Elle en conclut que vous ne tenez pas beaucoup à elle. Si elle doit guérir, elle guérit. Vous lui devez cela, monsieur de Maligny, maintenant que vous ne pouvez plus douter qu’elle n’ait commencé de vous aimer… Vous ne l’aviez pas deviné jusqu’ici ? Soit. À dater d’aujourd’hui, vous n’avez plus cette excuse… Oui ou non, ferez-vous votre devoir ? »

Le jeune homme ne répondit rien. Il marchait d’une extrémité à l’autre de la pièce, sans plus regarder son impérieux interlocuteur. Visiblement il était en proie à un trouble extrême. Tout d’un coup, il s’arrêta devant l’autre, et, les yeux fixés dans ses yeux, il lui dit :

— « Je ferai mon devoir, monsieur Corbin… »

— « C’est bien, » répliqua simplement l’Anglais. Maintenant que le besoin de plaider une cause qui lui tenait profondément au cœur n’excitait plus sa