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une pauvre petite Hilda Campbell, comme elle a dit… On n’épouse pas ? Pourquoi ? C’est ce que je me demande… Pourquoi ?… Parce que la vie est arrangée en dépit du bon sens. C’est l’œuvre du diable devenu fou, racontait cet autre… Décidément, mon cousin Gorka n’a pas tort, avec son éternel nitchevo. Vivons toujours. Il arrivera demain n’importe quoi… »

Il faut avoir le courage de traduire, en langage vulgaire, ce mystérieux nitchevo du steppe. Dépouillé de sa grâce slave, il est l’équivalent de l’affreux vocable de l’argot parisien : le je m’en fichisme des cabarets de Montmartre et des petits théâtres. C’est la raison pour laquelle les Polonais et les Russes, que le hasard amène à vivre à Paris, y prennent si vite leurs grandes lettres de naturalisation. Tous ils sont plus ou moins atteints de cette étrange maladie qui est comme une anesthésie morale. Des bords de la Vistule ou de la Volga, ils passent à Maxim’s ou aux Folies-Bergère, et ils y sont aussitôt chez eux. Il est curieux d’observer, au contraire, qu’après des années de vie parisienne, un Anglo-Saxon, même de médiocre moralité, reste dépaysé dans cette atmosphère des allures faciles et du plaisir goûté au jour le jour, qui est celle, non pas de toute la France ni même de Paris tout entier, grâce à Dieu, — mais du Paris où l’on s’amuse. L’Anglo-Saxon se déprave avec lourdeur, avec sérieux, si l’on peut associer des mots qui semblent jurer d’être rapprochés. Il n’arrive jamais à la désinvolte gaie dans les habitudes et les sentiments. Qu’est-ce, alors, quand il est demeuré intact dans son rigorisme d’outre-Manche ! Peu s’en faut qu’il ne considère cette légère façon de pratiquer l’antique conseil :

Glisser, mortels, n’appuyez pas,