Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

dangereux exercice et la si tendre, la si féminine façon qu’elle avait de cligner des paupières et d’incliner la tête à sa vue. Cette apparition avait un peu de ce charme, délicat et sauvage, virginal et hardi, que les Grecs représentaient par une autre fable, celle de l’Artémis chasseresse, de la Déesse qui apparaît dans Euripide à Hippolyte mourant : « O divine haleine parfumée ! Bien qu’accablé de maux, je t’ai sentie, cependant. La déesse Artémis est ici !… » Et de quel accent ses fidèles la célèbrent : « Salut, ô très belle, la plus belle des vierges qui habitent l’Olympos, Artémis ! O maîtresse, je te donne cette couronne tressée dans une prairie non foulée, que le feu n’a jamais touchée, où jamais pasteur n’a osé paître ses troupeaux, où vint seule l’abeille printanière, et que la pudeur féconde de sa rosée… » Et encore : « Maîtresse de la maritime Limna et des gymnases hippiques, Artémis, que ne suis-je dans tes plaines, domptant les chevaux Vénètes !… » Les antiques puissances de la vie humaine, que l’imagination de nos lointains aïeux personnifièrent, de la sorte, en mythes tour à tour terribles ou caressants, héroïques ou voluptueux, agissent en nous et autour de nous, les mêmes. Notre civilisation industrielle et scientifique les a dépouillées de leur parure de légendes. Ces puissances éternelles n’en conservent pas moins leur force secrète. C’était bien à l’instinct, manifesté jadis par le culte de Diane, qu’obéissait ce jeune Parisien à demi blasé, en se complaisant, comme il faisait, à ces rencontres avec l’humble dresseuse de chevaux. Ce qui l’attirait vers elle, c’était la sorte de poésie qu’incarnait la fille de Latone : l’énergie dans la fragilité, cette bravoure et cette adresse unies à cette candeur et à cette grâce. La silhouette de Hilda franchissant les haies, le buste droit, les mains fixes sur les rênes,