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aussi sincère, qu’elle était momentanée, il balbutia, plutôt qu’il ne prononça, cette phrase dont il aurait bien ri, s’il l’avait entendue dite par un Maxime de Portille ou un Guy de Longillon dans une circonstance analogue :

— « Je suis venu, mademoiselle… vous demander… de me pardonner, tout simplement… si je vous ai parlé, l’autre jour… d’une manière qui vous a déplu… Si j’avais pu deviner que vous prendriez les choses ainsi… je vous assure, je ne me serais pas laissé aller à penser tout haut comme j’ai fait… »

— « Ne recommencez pas, » interrompit Hilda, dans un petit geste de défense. La façon si directe dont Jules l’abordait la décontenançait de nouveau et touchait en elle à cette fibre, toujours si vibrante chez une Anglaise : la loyauté. Oui. Il y avait une loyauté absolue, — du moins, elle le crut, — dans la conscience du jeune homme, qui avouait ses torts sans rien tenter pour les atténuer. Il venait de les renouveler, pourtant, mais avec un tel air d’ingénuité, en s’en excusant par ces mots : « Je ne me serais pas laissé aller à penser tout haut. » C’était contre eux que Hilda protestait instinctivement. Puis, comme elle vit — ou crut voir — une souffrance et une timidité sur cette mobile physionomie, elle eut une faiblesse, elle aussi, celle d’ajouter :« C’était à moi de vous arrêter tout de suite, l’autre jour… Je n’ai pas su le faire. Je suis un peu une sauvage, voyez-vous… » Et, avec un demi-sourire intimidé : « Ce n’est pas en me battant contre des chevaux toute la journée que j’ai pu apprendre les manières des femmes de votre monde… »

— « Alors, » insista-t-il, en saisissant le joint avec sa souplesse d’enfant gâté, « je suis pardonné ? »

— « Je ne vous en ai jamais voulu, » répondit-elle.