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— « …Un petit bijou de charme et de vertu, mon ami… Et de la branche ! Une vraie lady et auprès de laquelle bien des duchesses pourraient prendre des leçons de manières. Toujours à sa place, et avec cela, si naturelle, si bonne enfant. Je te répète, un bijou… »

Ces quatre réponses, entre dix autres, n’étaient pas pour étonner outre mesure un Parisien comme Maligny, aussi « à la page », comme il eût dit lui-même. Que prouvaient-elles ? Que la délicieuse Hilda n’avait pas traversé le monde des viveurs qui font profession de suivre les chasses sans être remarquée ? Le contraste excessif de ces éloges et de ces critiques suffisait à établir son innocence. Elle avait, évidemment, humilié — par quoi, sinon par sa réserve ? — ceux qui parlaient d’elle durement, sans rien formuler d’ailleurs que des insinuations. Des noms, pourtant, avaient été prononcés : ceux de Machault, de La Guerche, du rajah indien… C’en était assez pour que le jeune homme eût vraiment une petite fièvre d’inquiétude, quand, au terme de cette enquête, il risqua enfin une nouvelle visite à la maison Campbell. Si les accusations, jetées légèrement par deux de ses amis, étaient vraies, n’aurait-il pas dû s’en réjouir ? N’était-ce pas une chance de succès de plus, pour l’issue d’une aventure où il ne s’engageait certes pas en vue de mériter un prix Montyon ? Pourtant, la seule possibilité que ces mauvais propos ne fussent pas des calomnies lui était insupportable. Si la vie de tripot, de soupeur en cabinets particuliers, l’avait déjà flétri en lui la fleur de délicatesse qui s’en va si vite d’un jeune cœur, il n’avait que vingt-cinq ans. À cet âge, il se cache toujours, au fond de l’âme la plus entamée, une secrète réserve d’amour. La source de l’Idéal peut s’être appauvrie. Elle n’est pas entièrement tarie.