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de rêverie et de science ! La poésie des paysages y faisait un fond si lumineux au visage sublime de Celui qui mourut réellement pour sauver le monde ancien des ténèbres et du péché ! Les âmes pieuses furent tout à la fois consternées et ravies. Les âmes impies furent séduites. Les âmes indifférentes furent attendries. Une tempête de polémique se déchaîna, à travers laquelle le livre passa, guidé par un invisible esprit, comme l’esquif de l’Évangile, où Jésus repose dans la tempête aussi, mais calme et sans qu’une boucle de sa céleste chevelure tremble sous la brise. Aujourd’hui la tempête s’est éloignée, le livre demeure. Je ne sais pas s’il est exact, et il est possible que la portion philosophique et historique prête à des reproches justifiés, — mais la portion morale est au-dessus de ces reproches, et c’est par elle que l’œuvre est durable, par ce culte dépourvu de toute forme précise pour la personnalité idéale du Nazaréen, — livre vraiment incomparable d’élévation et de rêverie, et qui serait le plus beau des livres écrits sur Jésus, n’étaient les Évangiles et l’Imitation !

La portion morale, — à mesure que M. Ernest Renan s’est avancé dans l’âge et dans la