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nité où est demeuré M. Renan vis-à-vis des choses de la religion. Cette sérénité fut la récompense de l’absolue bonne foi avec laquelle il se conduisit en ces années d’effort vers le vrai. Mais cette bonne foi pouvait lui coûter cher, car il se trouvait réduit aux chétives ressources des leçons particulières dans une ville où il ne connaissait personne, et n’ayant même pas ce titre de bachelier qui ouvre aux nécessiteux les portes des humbles pensions. Un amer et tragique écrivain, M. Jules Vallès, a raconté dans son Jacques Vingtras, l’âpreté de la lutte qu’il eut à soutenir contre la destinée, pour avoir affronté, lui aussi, ce Paris formidable, et les misères du gagne-pain qu’il offre aux anciens lauréats des lycées ou des séminaires. L’heureuse fortune de M. Renan voulut qu’il rencontrât, dans ces heures de dangereuse épreuve, une protection faite de tendresse et d’intelligence, celle de cette sœur dont j’ai déjà cité le nom. Henriette Renan avait, à la suite d’essais divers, accepté la place d’institutrice dans une grande famille de l’étranger. Confidente de la crise intérieure que subissait son frère, elle l’avait encouragé à suivre le chemin montré par la conscience. Elle lui avait donné