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précieuse de toutes ses biographies, un récit simple, et saisissant par cette simplicité même, du drame moral dont l’issue fut une rupture définitive avec le séminaire et avec la foi de sa jeunesse. Ce fut un drame, en effet, mais un de ces drames lents et obscurs qui ne se résolvent pas en quelque scène tragique. M. Renan n’eut point, comme ce noble et plaintif Jouffroy, sa nuit de décembre. Il ne vit pas sa piété disparaître tout entière sous ses regards, comme le palais d’Aladin s’évanouit dans le conte des Mille et une nuits. Cela tient à ce qu’il ne se posa pas d’un bloc, comme beaucoup ont fait et feront, le problème de la vérité de la religion. Voué par nature aux recherches de l’érudition, il était devenu, à Saint-Sulpice, l’élève favori de l’abbé le Hir, lequel était chargé du cours de grammaire et du cours d’hébreu. Sous la discipline de ce maître, auquel il rapporte modestement tout ce qu’il vaut comme savant, M. Renan devint un philologue d’une grande valeur. Sa puissance de travail est restée considérable. S’il faut nous en rapporter à ses confidences, elle atteignit son plus haut degré dans cette période de sa jeunesse : « Je ne peux comparer ces années