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de laquelle il ne pouvait plus guère devenir qu’un fanatique ou qu’un résigné. Pour celui qui a consacré les meilleures années de sa jeunesse aux études de la théologie, quelle carrière est ouverte s’il renonce au sacerdoce ? À combien de personnes fera-t-il comprendre qu’ayant conservé la foi jusqu’à un âge de réflexion déjà mûre, et poussé la piété jusqu’à un degré de sacrifice suprême, il a dû cependant, pour garder sa propre estime, renier cette foi, désavouer cette piété, refuser ce sacrifice ? L’immortel honneur de M. Renan sera d’avoir vu ces obstacles, — mais d’avoir vu aussi, avec une lucidité plus courageuse, cette grande loi de l’honneur intellectuel, qui veut que notre vie extérieure soit en accord avec notre vie intérieure, et nos actions avec nos idées. Quand il entra au séminaire de Saint-Sulpice, il croyait encore ; — quand il cessa de croire, il en sortit avec la morne perspective d’une existence à refaire d’un bout à l’autre et dans des conditions redoutables d’inconnu. De telles déterminations sont de celles qui classent les âmes, — mais à un prix parfois bien cruel.

On trouvera dans ces Souvenirs de M. Renan qui demeureront la source souverainement