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que s’il eût quitté d’hier seulement sa cité de Tréguier, « la vieille ville sombre écrasée par sa cathédrale, mais où l’on sent vivre une forte protestation contre tout ce qui est plat et banal… » Il n’a pas menti lorsque dans un de ses Souvenirs d’enfance il a dit : « Je me retrouvais moi-même, quand j’avais revu mon haut clocher, la nef aiguë, le cloître et les tombes du xve siècle qui y sont couchées. Je n’étais à l’aise que dans la compagnie des morts, près de ces chevaliers, de ces nobles dames dormant d’un sommeil calme, avec leurs levrettes à leurs pieds et leur grand flambeau de pierre à la main… »

M. Ernest Renan est en effet un des exemples les plus frappants à l’appui de la thèse qui attribue à l’influence locale l’originalité intime et comme la sève vivante du talent. Tous les traits particuliers au génie breton se retrouvent en lui. Une éducation d’intelligence scientifique et moderne n’a pu les modifier. Dans ce morceau d’une poésie singulière qu’il a intitulé « Prière que je fis sur l’Acropole quand je fus arrivé à comprendre la Parfaite Beauté », il a pu dire : « Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmé-