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Robert Haudric. C’est pour ce motif qu’il a été inscrit sous ces deux prénoms. Ce monsieur Haudric était le frère de lait de Corbières. Ta grand’mère avait été sa nourrice à Péronne. C’est lui qui nous avait placés au ministère. » — « Alors, » reprit le fils, à qui les mots manquaient pour formuler la hideuse chose, « le reste est vrai aussi ? » — « Que M. Haudric nous avait confié une somme d’argent en dépôt pour cet enfant ? C’est vrai encore… » — « Et que vous l’avez employée pour moi ? » demanda-t-il d’une voix éteinte, presque basse, comme s’il eût eu peur, en entendant ses propres paroles, d’être repris de sa frénésie de révolte contre cette honte dont il se sentait couvert. Et ce fut d’une voix tout éteinte aussi, toute basse, qu’elle lui répondit : — « C’est vrai. » Puis, serrant ses mains l’une contre l’autre, et suppliante : « Ecoute-moi, Eugène. Ecoute… Nous avons été bien coupables, mais pour nous comprendre, il faudrait tout savoir, et d’abord que ce fils de M. Haudric lui avait déjà donné tant de soucis. Il était intelligent, mais si mauvais sujet, dès le collège. C’est pour cela que M. Haudric avait dit à Corbières : « Je ne veux pas qu’il ait rien avant trente ans, que juste la somme indispensable à ses études. » Cette somme, il l’avait fixée à douze cents francs par an. Le capital tout entier était de trente-six mille francs. Nous ne devions pas nous faire connaître, parce que M. Haudric était marié. La