de mère, éclairé par la plus foudroyante des intuitions, s’arrêta tout d’un coup devant l’explosion de désespoir de celui à qui elle l’adressait. Corbières s’était laissé tomber sur une chaise, et là, il avait éclaté en sanglots convulsifs. De se retrouver ainsi au milieu de ces objets parmi lesquels il avait vécu, dans cette atmosphère qui avait été celle de toute sa jeunesse, après qu’il savait ce qu’il savait, lui était trop dur, et il roulait sous la vague de sensibilité violente qui montait en lui. Peut-être cet accès de larmes le sauva-t-il du suicide et de la folie, en brisant l’effroyable tension où j’avais vu se crisper son être, et la mère écoutait avec épouvante gronder dans cette petite chambre de famille, où tous les succès du lycéen et de l’étudiant avaient été fêtés, cette rumeur, cet ouragan de soupirs déchirants, de cris étouffés que jette une grande douleur d’homme. Celui-ci était secoué, et comme tordu par cet accès sur la cause duquel la malheureuse femme ne pouvait guère se tromper. Depuis tant de jours, elle avait trop redouté la découverte par son fils du crime qu’ils avaient commis, elle et son mari, commis pour lui, mais un crime tout de même ! Et elle disait, penchée sur l’infortuné, le serrant dans ses bras, affolée elle-même : — « Mon Eugène, c’est moi, c’est ta mère. Regarde-moi. Tu souffres ? Qu’as-tu ? Pourquoi pleures-tu ?… Ah ! parle-moi… » Puis sauvagement : — « Mais parle donc. Quoi que tu aies à me dire, dis-le moi. Tu me fais trop de mal… »
Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/80
Cette page n’a pas encore été corrigée