Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

IV Il y a, dans tout grand médecin comme dans tout grand auteur dramatique, et probablement dans tout grand comédien, certaines facultés beaucoup plus voisines du type de l’homme d’action que du type de l’homme de pensée. Ces métiers complexes, et qui exigent tant d’animalisme, supposent aussi une exceptionnelle capacité d’affirmation personnelle, de décision immédiate, de parti pris effectif. Ils comportent, si l’on peut dire, un empoignement direct de la réalité. Il y faut donc cette vigueur physiologique qui permet de dompter les nerfs. J’ai souvent eu l’occasion de vérifier cette remarque dans mes rapports avec les exemplaires supérieurs de ces trois espèces intellectuelles. Jamais, mieux que dans les instants qui suivirent l’entretien d’Eugène Corbières avec l’homme que ses parents avaient dépouillé, je n’ai constaté cette vertu presque militaire de la discipline médicale. Eugène était certes écrasé de chagrin par la révélation qu’il venait de subir. Il ne doutait point de sa vérité ; je le reconnus aussitôt à ses yeux. Il n’eut pourtant pas un geste, pas un mot qui trahît, même vis-à-vis de moi, l’effroyable tempête intérieure. Il me dit simplement : « Cela ne te fait rien de me laisser rue Amyot ? La voiture te ramènera ensuite chez toi… » Et, sur ma réponse affirmative, il donna au coch