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Cette preuve que Corbières avait compté sur moi d’une façon absolue aurait vaincu mes dernières hésitations, si j’en avais gardé. Je lui répondis un : « Hé bien ! allons ! » qui mit un sourire de gratitude sur son visage soucieux, et nous descendîmes. Dans sa certitude de mon acceptation, il n’avait pas renvoyé son fiacre. Du quartier des Invalides, où je vivais alors, à cette rue du Faubourg-Saint-Jacques, où habitait le personnage inconnu que j’allais tenter de confesser, nous mîmes un quart d’heure à peine. Le trajet me parut pourtant bien long. Si cette démarche était extraordinaire, son insuccès était aussi sans conséquence. Cela n’empêchait pas que je n’eusse le cœur serré, comme à l’approche de quelque redoutable épreuve, tant est puissante la contagion de certaines anxiétés. C’est un phénomène tout physique dont j’ai eu plusieurs exemples, — jamais comme dans cette voiture qui nous emportait, Eugène et moi, vers une scène que je ne pouvais pourtant pas prévoir si cruellement irréparable. Mon compagnon, lui, ne prononça pas un mot, sinon pour arrêter le cocher un peu avant que nous ne fussions arrivés à la maison de Pierre Robert. Il me la désigna et m’en dit le numéro, en ajoutant :

— « Je reste ici dans la voiture, à t’attendre… » Deux minutes plus tard, j’avais franchi le seuil de la grande bâtisse délabrée que Corbières m’avait si justement définie une cité de miséreux. J’avais demandé à la concierge la chambre de M. Robert. Je m’étais engagé, sur les indications de cette