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Elle a un autre enfant, légitime, celui-là. Un jour, le premier enfant reparaît. Il a retrouvé les traces de sa mère. Il menace. La malheureuse femme avoue tout à son mari qui lui pardonne. Mais le fils légitime pardonnerait-il ? La mère agonise de terreur à l’idée de perdre cette chère estime, et le mari pousse la grandeur d’âme jusqu’à comprendre cette terreur et jusqu’à la partager… Telles étaient les pensées qui m’envahissaient, tandis que mon ami, toujours silencieux, marchait dans la chambre, de long en large. N’étaient-ce pas les siennes aussi, à cette seconde ? Je n’osais ni lui parler, ni presque le regarder, de peur que cette identité de conclusions ne se révélât à nous subitement. Cette vérité-là lui eût été très douloureuse. Pouvais-je prévoir que la vérité vraie serait plus douloureuse encore ?

III

C’est pour cela, — pour ne pas dénoncer la gravité de mon soupçon à ce fils tourmenté, — que j’acceptai la proposition, cependant très singulière, par laquelle se termina cette confidence. Il me sembla que le plus sûr moyen de le calmer était d’entrer dans ses idées, même en les jugeant, à part moi, peu raisonnables.

— « Maintenant arrivons au but de ma visite, » reprit-il donc ; « je ne t’ai rien caché de ce qu