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i, comme Elisabeth s’engageait dans le couloir sur lequel donnait la chambre du mort, ce lui fut un sursaut presque fantastique de voir la porte entrouverte et d’entendre des voix, celles des deux enfants, dont la seule image avait hanté toute sa matinée d’une obsession de haine et d’injustice… Que faisaient-ils, dans cette pièce où elle avait défendu que personne pénétrât jamais, et qui eût été tout à fait obscure, si un rayon de soleil ne l’eût, entre l’interstice de la fenêtre et l’entrebâillement de la porte, coupée comme par une barre de clarté ? Sa brassée de bruyères toujours serrée contre son cœur, dont les battements redoublaient, elle s’arrêta pour écouter ce que disaient les deux visiteurs, dont elle distinguait mal les gestes, et, avec une émotion, dont elle n’aurait su dire si elle était délicieuse ou déchirante, elle comprit que ce demi-frère et cette demi-sœur du pauvre André l’avaient devancée dans le pèlerinage de tendresse qu’elle venait accomplir. Par cette radieuse matinée, les deux tendres enfants s’étaient rappelé le compagnon de leurs jeux, qui n’était plus là. Ils lui avaient cueilli des fleurs dans le jardin, comme elle dans le parc, et, par une puérilité attendrissante, ils avaient voulu associer l’absent à la fête du jour en lui apportant un présent de Pâques, des œufs achetés à la porte de la chapelle : — « Il faut mettre ce bouquet ici, » disait la voix d’Alice. « Tu te souviens des beaux insectes dorés que nous prenions pour lui dans les roses ?… » — « Et là les œufs, » disait la voix de Guy, «