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Elle marchait, et une résolution se précisait en elle, qui l’avait hantée souvent, jamais avec cette netteté hypnotisante. A quoi bon continuer, vis-à-vis de ces deux êtres dont la seule présence lui était un supplice, cette corvée, cette comédie plutôt, d’une maternité menteuse ? Pourquoi ne pas se débarrasser de l’un et de l’autre, en les traitant, comme, après tout, tant de vrais parents traitent leurs vrais fils et leurs vraies filles ? Au lieu de les garder, ainsi qu’elle faisait, à la maison, pourquoi ne pas les envoyer, lui au collège, elle au couvent, afin de rester seule avec son enfant mort, sans plus jamais entendre autour d’elle ces voix, ces rires, ces jeux, ces mouvements qui insultaient à sa souffrance ? Ils ne seraient pas heureux — Guy qu’elle savait si sensible, Alice qu’elle connaissait si délicate, — dans la promiscuité d’un internat. Combien d’autres petits garçons et d’autres petites filles de leur âge subissaient, à cette même minute, cet exil hors de la famille et qui n’en grandissaient pas moins ? Et puis, s’ils n’étaient pas heureux, ce ne serait que juste. Elisabeth savait aussi qu’à son lit de mort leur mère avait supplié leur père de renoncer à sa carrière, pour ne plus les quitter, de les aimer pour deux, puisqu’ils n’allaient plus avoir que lui. Avec quelle pitié, la jeune belle-mère avait autrefois accepté ce testament, et comme elle avait traduit ce suprême vœu : « Puisqu’il continue de servir, c’est moi qui jamais ne les quitterai, moi qui serai là toujours, pour être ce qu’elle aurait été ! » Les renvoyer, ces orphelins, du foyer paternel,