Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

les rapports quotidiens. Nous n’avions donc eu, pendant ces neuf ans, qu’une de ces intimités à intermittence qui ne permettent pas de remarquer certains imperceptibles changements dans la vie de famille de ceux que nous fréquentons ainsi, de distance en distance. A chacune de mes visites à la rue Amyot, j’avais toujours trouvé l’intérieur des Corbières pareil à lui-même : l’ex-huissier du ministère un peu plus rouge de teint, un peu moins alerte ; la mère un peu plus plombée de visage, et plus tassée. Mais rien n’avait changé dans leurs habitudes. Quand j’arrivais, c’était toujours le père Corbières qui venait à mon coup de sonnette, en bras de chemise le plus souvent, un bâton à frotter à la main, ou bien quelque brosse, ou bien un torchon de lampe, et, par la porte entr’ouverte de la cuisine, j’apercevais la mère Corbières devant son fourneau, mijotant quelque friandise méridionale, — un rizot ou une soupe de poissons, — pour le repas du soir du patient ouvrier de Science que je trouvais, lui, à sa table, au milieu de ses papiers et de ses livres, en train de rédiger les « observations » de la veille ou du matin. Quoiqu’il commençât d’être appelé par ses maîtres à de fructueuses consultations, et qu’il collaborât à quelques revues spéciales où il était convenablement payé, à peine si « les vieux » toléraient l’intrusion dans leur ménage d’une femme de charge, à cinq sous de l’heure, et qui venait seulement une partie de la matinée.

— « Je n’insiste pas davantage, » me disait Corbières, en m’expliquant cette situation : « A la première