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comme elle, un garçon de neuf ans, une fillette de huit. Ces deux enfants, Guy et Alice, étaient ceux de son mari, qui les avait eus d’un premier mariage. Elle se souvenait. Quand elle avait épousé l’officier de marine, qui était en même temps son cousin, comme la pitié pour les deux orphelins avait été sincère en elle ! Comme toute sa conscience s’était tendue à leur remplacer la morte, au point qu’à leur âge de neuf et dix ans, ils ignoraient qu’elle ne fût pas leur vraie mère ! Quand elle avait eu elle-même un fils, avec quel scrupule elle s’était appliquée à ne jamais montrer une préférence à celui-ci ! Elle n’avait même pas eu besoin d’effort. Tant que les trois blondes têtes avaient couru, joué, ri autour d’elle, son cœur s’était naturellement partagé entre elles trois… Pourquoi n’en était-il plus ainsi maintenant ? Pourquoi ?… La jeune femme n’avait qu’à se tourner à gauche, vers un point qu’elle connaissait trop bien, pour avoir la réponse à cette question. Là-bas, par delà les dernières maisons de la ville, une dépression marquait le creux d’une vallée, celle du cimetière. Depuis le jour où elle avait vu de ses yeux, — son courage était allé jusque-là, — le petit cercueil de son pauvre André glisser le long des cordes dans le caveau fraîchement creusé, une atroce impression s’était emparée d’elle, qu’en vain elle avait combattue, qu’elle combattait toujours, et toujours en vain ; et, par cette matinée de fête, elle l’avait sentie plus forte dans son cœur. Elle ne pouvait pardonner aux deux enfants de son