Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/365

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle annonçait que cette glorieuse matinée de printemps était aussi la matinée de Pâques, et cette fête de la résurrection s’harmonisait si bien avec l’universelle joie de vivre, partout éparse, que cette merveilleuse nature semblait, elle aussi, par ce soleil, par cette mer, par ces fleurs, proclamer le triomphe de l’Amour qui a vaincu la Mort…

II

Hélas ! c’était justement cette fête de la Vie, dans la Nature et dans l’Église, dans le ciel visible et dans l’invisible, qui accablait la jeune femme d’une plus cruelle mélancolie, par ce miraculeux matin de Pâques. Le sombre crêpe dont elle était vêtue, et qui parait d’une grâce attendrissante sa délicate beauté blonde, racontait un deuil, porté plus désespérément dans son cœur. Ses doux yeux bleus, presque ternis d’avoir trop pleuré, semblaient blessés par le rayonnant éclat du beau jour. Son front pâli se voilait d’une pensée plus douloureuse, à chaque sonnerie de la cloche. Elle avait perdu un fils — son unique fils — quatre mois auparavant, et, dans cette âme de mère, la blessure ouverte saignait davantage, à regarder cette féerie du printemps nouveau que son cher André ne verrait pas, à écouter cet appel vers un Dieu qu’elle ne priait plus, qu’elle ne pouvait plus prier depuis qu’il