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Pourtant si. Je comprends que le jour où ma brave femme de mère me verra agrégé, ce succès lui fera plus de bien que toutes les eaux de Carlsbad ou de Marienbad… Aussi je te quitte pour aller travailler… »

II

Je me suis attardé à ces souvenirs, dont je pourrais multiplier les détails. Il s’y ramasse pour moi des impressions de plusieurs années, — années qui vont du printemps de 1873, où je renouvelai avec Eugène Corbières la camaraderie ébauchée au collège, jusqu’à l’hiver de 1882, où se déroulèrent les événements auxquels j’arrive et qui font la vraie matière de ce récit ; — incohérentes années pour moi, qui les employai, comme la plupart des apprentis-écrivains, à toutes sortes d’essais avortés, d’expériences déraisonnables et plus ou moins dangereuses pour l’avenir de ma pensée ; — fécondes et méthodiques années pour mon ami, qui avait, lui, trouvé son chemin aussitôt. Je le vis, successivement, externe, puis interne d’hôpital et remportant la médaille d’or, puis docteur, et il approchait d’un pas sûr vers cette place de médecin des hôpitaux et ce titre d’agrégation qu’il s’était fixés comme buts. La divergence de nos directions avait été trop forte pour nous faciliter, tout le long de cette période,