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ble d’une pire. Presque tous les crimes s’expliquent, par cette sinistre loi de progression dans la faute, où les chrétiens voient l’œuvre du malin esprit, et que les psychologues mécanistes d’aujourd’hui compareraient volontiers à l’accélération de la chute des graves. Pour ma part, j’en ignore le principe, mais je l’ai toujours subie au cours des défaillances de ma moralité d’homme, et, pour la première fois, d’une manière saisissante, dans cette défaillance de ma moralité d’enfant. J’étais, par nature, un petit garçon véridique. Mes moindres mensonges se découvraient aussitôt, rien qu’à ma gaucherie en les énonçant. Hé bien ! Je ne crois pas qu’aucun grand acteur ait mieux joué la comédie de l’innocence et de l’étonnement que je ne la jouai, vingt minutes peut-être après que l’envie m’eût fait commettre l’acte barbare que je vous ai raconté. La préoccupation de ma santé, qui avait empêché Octave de penser à remettre sa montre dans son gousset, l’empêcha de constater qu’il ne l’avait plus sur lui, tandis qu’il prenait congé de mon oncle, et qu’il descendait notre escalier. Le hasard voulut qu’à la porte il rencontrât M. André le Barbare, et qu’il l’accompagnât quelques pas. Quand l’historien et l’enfant se séparèrent, celui-ci s’avisa qu’il arriverait en retard chez son tuteur. Il voulut regarder l’heure. Alors seulement il s’aperçut que sa poche était vide. Cette découverte le terrorisa. Fiévreusement, et en examinant une par une toutes les pierres du trottoir, il reprit le chemin qu’il venait de faire avec M. André. Arrivé devant notre porte,