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fiévreusement, comme un malfaiteur que talonne l’épouvante d’être surpris, je roulai, dans un morceau de papier, et ces débris et cette chaîne… J’écoutai de nouveau… Je tremblais d’entendre le pas de mon oncle ou de la servante. Mais rien… Je passai à la hâte mon pantalon et ma veste. Ma fenêtre donnait sur une petite terrasse, à l’extrémité de laquelle se trouvait l’ouverture d’un vaste tuyau de zinc, qui ramassait les eaux de pluie et les déversait dans une citerne construite, suivant la mode de ce pays sans rivière, sous les fondations mêmes de la maison. Je me glissai jusqu’à cet orifice, et j’y lançai le petit paquet qui aurait pu me dénoncer. Après tant de jours, j’entends encore le clapotement qui m’annonça la chute, dans la citerne, de la montre brisée et de la chaîne. Je revins en hâte dans ma chambre. J’eus encore la présence d’esprit de ramasser les fragments de verre qui avaient éclaté autour de la table de nuit. Je les jetai tout simplement sur la terrasse. Je refermai la fenêtre, les volets intérieurs, les rideaux, et je me glissai dans mon lit… J’étais sauvé.

VI

Il y a certainement dans le mal une espèce de force qui soutient tout notre être intime et nous insuffle des énergies que nous ne nous soupçonnions pas. Chaque mauvaise action nous rend capa