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comme doublé d’un tic-tac plus sonore, plus net, plus aigu aussi. On eût dit que deux insectes de métal couraient invisibles, à côté de mon oreille, chacun avec son pas… Je fis craquer une allumette, et je regardai : la montre d’or d’Octave était là avec sa chaîne. Dans son trouble de me voir souffrant, et quoiqu’il fût d’habitude si ordonné, le tendre enfant l’avait oubliée là. Oui, la montre était là. D’un geste instinctif je la saisis dans ma main. Je la sentis qui palpitait entre mes doigts comme une bête vivante, et un accès de violence s’empara de moi, comme si elle eût été vivante en effet, et que dans son existence fussent amassées toutes les supériorités de celui à qui elle appartenait. Brutalement, instinctivement, follement, avec le plus étrange assouvissement de haine, je lançai la montre de toute ma force contre le marbre de la table de nuit, et j’écoutai. Du parquet où elle était tombée, le même tic-tac monta vers moi, ironique cette fois et comme un défi. Le choc n’avait pas cassé le ressort. Je me levai. J’ouvris les rideaux pour y voir clair. Je ramassai le pauvre bijou dont le verre avait sauté en éclats. Je le posai sur la pierre de la cheminée, et, prenant la pelle à feu, je commençai à battre le fragile objet de coups frénétiques. Je vis, tour à tour, les aiguilles sauter, l’émail du cadran se fendre, la boîte se bosseler et se briser. Je m’acharnai à ce sauvage vandalisme, jusqu’à ce qu’il ne restât plus, à l’extrémité de la chaîne, qu’un informe débris. Puis, hâtivement,