penser faux de compagnie, et les deux chimériques en vinrent très vite à ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre. Tous deux travaillaient le matin et se promenaient après le déjeuner. C’était aussi le moment où mon oncle me prenait avec lui pour me faire faire un peu d’exercice. Ces promenades et sa compagnie m’avaient été un délice dans leur tête-à-tête. Elles se transformèrent en une véritable et douloureuse corvée quand il fallut toutes les partager avec M. Montescot et son pupille. Nous allions le plus souvent les chercher chez eux, parce qu’ils habitaient plus près que nous du Jardin Botanique, théâtre habituel de ces promenades d’avant la classe de l’après-midi. Le professeur démissionnaire avait choisi, pour s’y loger, un petit appartement, tristement meublé avec les débris d’une installation parisienne déjà très pauvre. Les chaises étaient peu nombreuses dans les quatre chambres, dont le carreau, passé jadis au rouge, encadrait un tapis de feutre, usé et rapiécé. Pourtant l’ordre et la propreté de ce réduit contrastaient avec la tenue volontiers négligée du métaphysicien. Ce fut mon oncle qui me fit remarquer cette propreté et qui m’en donna le secret. Il le tenait de notre domestique, liée elle-même avec la femme de charge des Montescot. — « Ce petit Octave, » m’avait-il dit, « c’est vraiment une merveille de brave enfant… Tu as vu comme l’appartement de son tuteur est tenu ? Hé bien ! Tous les matins, quand vient leur servante, il l’aide lui-même à tout ranger, avant d’aller au
Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/320
Cette page n’a pas encore été corrigée