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au lycée voisin. Il réussit. On voulait d’abord le retirer après la quatrième et l’examen de grammaire. Les succès au concours arrivent. On ira jusqu’au baccalauréat. Le reste suit. D’ailleurs les habitudes de la plus sévère économie se reconnaissaient à vingt signes dans la maison Corbières. Bien entendu c’était le vieil homme qui se chargeait du gros ouvrage : frotter le carreau, cirer les meubles, fendre le bois, vider les eaux, jusqu’à faire les lits. Il s’était évidemment retiré du ministère pour que son fils fût mieux servi. Son rouge visage, un peu congestionné, avait une peau comme gaufrée de larges rides, dont chacune disait l’endurance, l’entêtement d’une rude et solide race. Une méticuleuse propreté, — encore un trait de son pays, voisin des Flandres, — régnait dans les six pièces qui constituaient tout l’appartement. Comptez : une cuisine, une entrée, une chambre à coucher pour le père et la mère, une salle à manger, un salon devenu bien vite le cabinet de travail d’Eugène, la chambre à coucher de celui-ci. L’étudiant se trouvait de la sorte occuper plus d’un tiers du modeste local, et, bien entendu, la partie la plus vaste, la plus aérée, celle dont les fenêtres donnaient sur des jardins. C’était aussi la seule qui fût meublée presque luxueusement. Mon camarade acceptait cette gâterie un peu, il faut le dire, avec l’égoïsme trop naturel aux grands travailleurs, beaucoup avec l’idée que son avenir préparait aux sacrifices actuels de ses parents une ample compensation. Que de fois je l’ai entendu, quand je voulais l’entraîner à quelque