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jour où le proviseur venait dans les classes, proclamer le résultat des compositions. J’attendais à l’habitude l’entrée de ce redoutable magistrat, avec une anxiété singulière. Cette anxiété allait, ce samedi-là, jusqu’à la douleur, et quand il déplia la liste et commença de la lire, j’aurais voulu me sauver de la vaste pièce où nous étions debout à écouter, Octave, son triomphe, car il était le premier, moi, ma défaite, car je n’avais obtenu que la troisième place ; et, signe évident que déjà c’était bien Octave qui excitait mon antipathie, lui personnellement, je n’éprouvais pas le moindre mouvement de rancune contre celui de mes condisciples qui, classé le second, m’avait battu aussi. Que devins-je, lorsque le lendemain de ce funeste jour, le dimanche, je me retrouvai avec mon heureux rival dans le salon du docteur Pacotte ? J’entends encore la voix de mon oncle complimentant M. Montescot sur le brillant début de son pupille, et disant : — « Mon neveu va avoir affaire à forte partie, paraît-il… » — « C’est ce qu’il faut, » répondait M. André, le Physicien, « les collèges de Paris ne sont ce qu’ils sont qu’à cause de cette concurrence des bons élèves… » — « Ils seront Nisus et Euryale, « reprit M.André, le Barbare, qui ne dédaignait pas la citation latine. « His amor unus erat, pariterque in bella ruebant… » Je savais assez de latin pour traduire ce vers sur l’amitié des deux jeunes héros Virgiliens et sur leur