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rs est-elle discutable ? Il ne pouvait pas vivre. Toute maturité est une fin, et Octave était, dès la onzième année, une âme mûrie. Nous nous en rendîmes compte, dès son entrée dans notre classe, et aux premières réponses qu’il fit au maître. Certes ses connaissances en grec et en latin ne dépassaient guère les nôtres, mais elles avaient dans son esprit et dans sa parole une netteté, une précision, et, pour tout dire, une certitude qui le mirent aussitôt à part. Il en fut de même dès la première composition. On nous avait donné à traduire, du latin en français, une page de Tite-Live, assez difficile pour des écoliers de cinquième. J’avais obtenu l’année précédente le prix de version latine, et je considérais la première place dans cette partie comme une espèce de droit acquis. Je me souviens. Quand nous sortîmes du lycée, après avoir composé, un mardi matin, je demandai à Octave de me laisser lire son travail afin de le comparer au mien. Il me tendit un cahier de brouillons, dont le seul aspect révélait cette virilité précoce du petit garçon. L’écriture en était si ferme, si claire, si achevée ! L’absence de ratures attestait une capacité de travailler de tête, si différente de notre procédé à nous, qui travaillions à coups de retouches écrites ! Je sentis, à simplement voir cette page, qu’il devait avoir mieux réussi sa version que moi. Je lus ce qu’il avait écrit, et, s’il n’avait pas été là, j’aurais pleuré de dépit, à constater qu’en effet son devoir était de beaucoup supérieur au mien. Ce dépit me crispa le cœur toute la semaine, jusqu’au samedi. C’était le