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IV Si j’ai insisté sur ce premier épisode de ma rencontre avec Octave, c’est qu’il enferme le type complet de son caractère et du mien, à cette date de notre existence. Le petit drame qui s’était joué entre nous, sur ces dix marches du perron, était comme l’image, toute puérile, — mais nous avions vingt-quatre ans à nous deux, — des rapports de rivalité qui s’établirent aussitôt entre nous. Se développe-t-il, chez les enfants qui se sentent dans une situation exceptionnelle et qui ont de l’orgueil, des énergies exceptionnelles aussi ? Je l’ai souvent pensé, à constater les efforts dont certains adolescents très pauvres sont capables. Chez aucun, cette tension de tout l’être vers la primauté ne m’est apparue plus forte, plus constante que chez celui-là. Octave était un enfant d’une intelligence assez ordinaire et de vigueur moyenne. Mais il avait, dès cet âge si tendre, une puissance d’appliquer sa volonté à l’action présente et une espèce d’obstination froide, qui devaient l’emporter sur toute concurrence, dans l’ordre des études comme dans l’ordre des jeux. C’était, dès cette époque, une créature faite, au lieu que nos autres camarades et moi-même nous étions encore des ébauches d’individus. Je ne sais pas ce qu’il serait devenu, s’il avait vécu. Cette hypothèse d’ailleu