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leur supériorité. Je la sentais, je la respirais, comme une atmosphère, et ce fut le meilleur, le plus efficace des enseignements. Quand un de mes deux grands amis m’adressait la parole, je répondais d’ordinaire en pleine confiance, avec cette entière ouverture du cœur, si naturelle à un enfant bien traité. Il faut croire que le mauvais germe d’antipathie, déposé dans mon cœur d’écolier par cette première mésaventure avec le pupille de M. Montescot, y remuait déjà, et aussi que je m’en rendais vaguement compte, car j’éprouvai pour la première fois un instinctif embarras à dire ce que je pensais. Je balbutiai une phrase évasive, où je critiquais Octave, tandis que la chaleur me montait aux joues, et il me sembla, — était-ce une illusion ? — que le regard du médecin, cet étrange regard du diagnostiqueur, si aigu, si réfléchi, se posait sur moi avec une pénétration qui me gêna… Ce ne fut qu’un éclair, et tout de suite, à la nouvelle interpellation de mon oncle : — « Tu seras gentil avec lui au collège, tu me le promets ?… » — « Oh ! Oui ! » répliquai-je, avec une vivacité soudaine et sincère. Qu’elles sont complexes et contradictoires, ces sensibilités d’enfant, que le préjugé croit si simples ! J’éprouvais un besoin, presque physique, de ne plus voir, dans les prunelles du docteur Pacotte, cette expression que je n’aurais su définir. C’était comme s’il eût lu en moi distinctement quelque chose de honteux que je n’y lisais pas moi-même.