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ée ? Autant d’énigmes dont je n’ai jamais eu le mot. Il est probable que la mort de cette femme avait coïncidé avec ce retour en province, complaisamment attribué par mon oncle et ses amis à la tyrannie impériale. Je dois rendre justice à ces braves gens, chez qui le fanatisme politique était une forme de la naïveté : s’ils soupçonnèrent que M. Montescot ne leur disait pas la vérité, en présentant son pupille comme un orphelin, lié à lui par une lointaine parenté, ils ne se permirent jamais d’en parler, même entre eux. Oui. Que c’étaient de braves gens, et comme, en me souvenant d’eux, je comprends quelle forte et solide France nous ferait encore cette vieille bourgeoisie provinciale, si, depuis cent ans, l’erreur révolutionnaire n’avait pas faussé la mise en œuvre de tant de vertus ! Mais j’en reviens à cette après-midi d’octobre, et au jardin du docteur. C’était une espèce de parc, à demi sauvage et clos de murs. Il avait appartenu autrefois, ainsi que la maison, à un couvent de Capucins, supprimé vers la fin du siècle dernier. Le vieux médecin gardait ce terrain, comme il faisait tout, par hygiène, à cause de l’exposition au soleil, et des beaux grands arbres, dont les feuillages fanés étalaient, ce dimanche-là, une féerie de pourpre et d’or. J’étais assez leste à cette époque, et passablement fier de cette agilité. Au moment où nous arrivâmes. Octave et moi, au perron, j’eus un petit mouvement d’ostentation vaniteuse, et je lui dis : « Voulez-vous voir combien de marches je saute ?… » Puis, j’en descendis trois ou quatre, et