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de. Mon oncle m’avait amené chez le docteur Pacotte suivant son habitude. Je savais qu’il s’y passerait, cette après-midi là, un événement que ces messieurs considéraient comme solennel : la présentation, dans ce milieu, d’un personnage, dont, même aujourd’hui, le nom ne vous est sans doute pas tout à fait inconnu, un M. Montescot, qui a écrit deux ou trois recueils d’articles solidement documentés sur l’instruction publique sous l’ancien régime. A cette époque, cet homme jouissait d’une espèce de gloire, dans le petit monde universitaire où je grandissais. Il avait, lors du coup d’État, démissionné d’une manière retentissante, et quitté la chaire de philosophie qu’il occupait, tout jeune, à Paris, au lycée Louis-le-Grand, sur un discours de protestation débité à ses élèves. Cette algarade lui aurait mérité la prison, si le gouvernement impérial avait été la tyrannie que mon oncle et ses amis flétrissaient hebdomadairement parmi les bibelots du médecin radical. Au lieu de cela, on s’était contenté de le révoquer. Montescot était originaire de notre ville. Il y gardait quelques parents éloignés, du même nom que lui. Il était donc très naturel qu’il s’y retirât. Mais pour les maniaques de persécution qu’étaient les habitués du salon Pacotte, cette arrivée du philosophe démissionnaire était devenue aussitôt une ténébreuse machination des oppresseurs de la nation : — « Ils l’ont empêché de gagner sa vie à Paris, » avait dit solennellement M. André, le Barbare : «  Ah ! les brigands ! » Puis il avait ajouté, d’un ton