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vieille France, un amateur et un collectionneur infatigable de tous les précieux débris des anciens temps épars de notre province. Son salon regorgeait de trésors qu’il a légués à la ville, et qui font du musée de cette pauvre cité de province, un des plus riches de notre pays. C’est là que mes yeux d’adolescent se sont pour la première fois caressés aux vives et chaudes couleurs des émaux de Limoges. Le docteur en avait quinze plaques, représentant les scènes de la Passion, toutes de la meilleure époque, celle du maître-autel de Grandmont, avec ces beaux fonds couleur de lapis, ces draperies d’un suave vert d’eau, ce rouge-brun des chevelures et des barbes encadrant le rose tendre des visages. Où avait-il découvert ce trésor ? Nul ne l’a su. Où ces magnifiques cathèdres d’églises, sculptées par quelque génial artiste bourguignon du quinzième siècle ? Où les panneaux de bois peint que la piété de quelque seigneur du temps de Charles VIII avait dû rapporter d’Italie ? Où cette tapisserie, qui avait peut-être décoré la tente d’un des suivants du Téméraire ? Il était secret sur ses achats, comme un véritable amoureux sur ses bonnes fortunes. Avec cela, des recherches sur un camp de César, situé dans notre voisinage, l’avaient amené à s’intéresser aux choses romaines, et une vitrine montrait quantité de menus objets en bronze, verdis par le temps, des bijoux d’or, friables et comme pâlis par l’usure, des poteries décolorées, des bagues, sur la pierre desquelles se voyaient des combats gravés, des têtes de statuettes en terre