Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée

… Comme je vous le disais tout à l’heure, les souvenirs qu’évoque pour moi ce petit bronze se rattachent à ma lointaine enfance, et par conséquent aux toutes premières années qui suivirent l’avènement de l’Empire. J’habitais alors une petite ville du centre de la France, qui s’était signalée par sa ferveur républicaine en 1848. Elle se signalait en 1855 par sa ferveur bonapartiste, à la plus grande indignation de quelques personnes dont était l’oncle chargé de mon éducation. Ce frère de ma mère enseignait les mathématiques à la Faculté de la ville. Il n’était pas marié, et mes parents, installés à la campagne, m’avaient confié à lui, sous le prétexte avoué qu’il surveillât mes études, avec le secret désir, en réalité, qu’il m’instituât plus tard son héritier. Ce digne homme, qui n’aurait, comme on dit, pas fait du mal à une mouche, était un Jacobin passionné chez qui la révolution de février avait excité une véritable folie d’espérance, et puis, le coup d’État du 2 décembre — cette salubre entreprise de voirie dont nous rêvons tous, — l’avait frappé comme un malheur personnel. Je souris, quand je me rappelle les étonnantes causeries auxquelles j’assistais, tout bambin, entre ce cher oncle et ses amis, de braves professeurs comme lui, pour la plupart, et qui, presque tous chargés de famille, ou