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oublie les chroniques innombrables qu’il a encore fallu multiplier pour payer les dettes, — et il reste dix-huit mille francs à régler ! — Il oublie la volée de malveillants articles par lesquels a été accueilli son modeste volume de Souvenirs. Il oublie le fauteuil sous la coupole et la supputation des voix académiques à laquelle Mathilde s’est livrée de nouveau dans la voiture qui les amenait au théâtre. Il oublie les lassitudes devant la page inutile et la nostalgie inguérissable de l’art trahi. Il oublie tout, pour savourer la profonde volupté de sentir heureuses, chacune à sa manière, les deux seules créatures qu’il ait jamais aimées, et de les sentir heureuses par lui. Non, il n’a pas manqué sa vie. Il a eu raison de dire à sa fille qu’il a réalisé son Idéal. Il est venu à Paris, comme il le disait, pour être un poète. Et qui donc en est un, s’il ne l’est pas ?

Décembre 1899 — Février 1900.