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A soixante ans, à soixante-dix ans, si elle ne s’empâte pas, elle sera magnifique encore… C’est dans le sang : sa fille était si jolie ! Que devient-elle ?… » — « Elle est toujours mariée dans le Midi », reprit Laurence Fauriel, « avec le petit cousin que l’on voyait quelquefois chez eux, — un mariage absurde et qui a fait beaucoup de chagrin à sa mère. — Un coup de tête et que la petite sotte doit joliment regretter aujourd’hui. Elle a passé quelques jours à Paris, l’automne dernier. Je l’ai rencontrée. Elle est toujours jolie. Mais on voit bien que ce n’est plus Mme Le Prieux qui l’habille… » — « Reine a passé quelques jours à Paris ? Tu ne m’en avais rien dit ? » s’écria Mme Molan. « Et elle n’est pas venue me voir ! Ce n’est pas gentil !… » — « Ni moi non plus », dit Mme Fauriel : « Oh ! ce n’est pas le cœur qui l’étouffe. Je ne suis pas sûre qu’elle aime seulement sa mère. Si elle l’aimait, est-ce qu’elle ne se serait pas mariée ici, dans son monde ? Et une mère comme celle-là, qui a tant de mérite ! » — « La fille en était sans doute envieuse », conclut Jacques Molan, d’un ton indifférent et détaché. Cet écrivain de toutes les imitations, ce type accompli de « l’arriviste » et du « profiteur », que nous avons successivement connu, dans ses romans et dans ses comédies, naturaliste, puis psychologue, préoccupé de mondanités, puis d’érotisme, puis de questions sociales, paraît avoir définitivement adopté ce ton de l’ironiste supérieur qui constate