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— « Elle est étonnante, Mme Le Prieux », disait Laurence Fauriel, « je ne l’ai jamais vue plus belle que ce soir. Mme de Bec-Crespin a l’air d’être son aînée… Il y a tout de même des maris qui ont de la chance. Voilà ce Le Prieux, qui est commun à pleurer, et raseur, et pas de talent !… Il épouse la Vénus de Milo, et c’est une honnête femme qui n’a jamais fait parler d’elle… » — « Et qui trouvera le moyen avec cela de le faire arriver à l’Académie… » dit Marie Molan : « N’est-ce pas, Jacques ?… » — « Mais oui », répondit le romancier-dramaturge, « il m’a sondé l’autre jour, sur mes intentions à moi, avec des finasseries qui signifiaient qu’il y pense. C’est bien pour cela qu’il vient de donner cette pauvreté qui s’appelle ses Souvenirs. Il lui fallait au moins un volume pour que le travail de son énergique épouse eût l’ombre de l’ombre d’un prétexte. Elle est capable de lui racoler une quinzaine de voix, et c’est un paquet !… Quelle brave femme tout de même, et quelle pitié qu’elle soit handicapée de cette façon-là. » — « C’est pourtant vrai, qu’elle est toujours fichtrement belle », dit à son tour Fauriel, que sa tenue de gentleman habillé à Londres n’a pas pu guérir de l’argot d’atelier, — à moins que ce ne soit un genre destiné à plaire à ses clientes du grand monde. Et, avec son œil de peintre, il analysait Mme Le Prieux à travers la lorgnette : « Quelle forme de tête ! Quelle attache du cou ! Quelle ligne de l’arcade sourcilière ! Comme c’est construit !…