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et si vraiment elle aime son cousin, je ne comprends pas… » — « Si elle l’aime ? », interrompit le père qui ajouta, avec une fermeté singulière, les yeux fixés sur les yeux de sa femme : « Oui. Elle l’aime et elle l’épousera… » Puis, comme il vit que Mathilde allait à son tour l’interrompre : « Heureusement, nous n’avons pas encore répondu à la cousine Huguenin… Car Reine ne sait pas qu’elle nous avait écrit pour nous sonder. La pauvre bonne dame est une provinciale. Elle avait cru devoir prendre tant de précautions que nous n’aurions jamais deviné qu’elle nous écrivait d’accord avec son fils. N’est-ce pas, Mathilde ? Nous avons cru qu’elle suivait une idée à elle… Ah ! Que tu avais raison d’insister pour en parler à Reine et que j’ai été sot de t’en empêcher ! Mais c’est réparé… » A cette mention de la lettre de la mère de Charles, le déconcertement de Mme Le Prieux avait été tel qu’elle ne trouva pas la force de répliquer. Hector savait l’existence de cette lettre et sa dissimulation ! Comment ? Et il lui pardonnait cette dissimulation ! Il faisait plus. Il essayait d’empêcher que leur fille ne pût jamais la deviner ! Et dans sa stupeur et sa confusion grandissante, Mme Le Prieux n’eut pas davantage de force pour résister à la main de son mari qui l’attirait vers le lit de Reine, et il continuait : — « Et sais-tu pourquoi », disait-il, « cette méchante fille nous cachait son sentiment ? C’est qu’elle croyait de son devoir d’être riche, pour moi, pour