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pénibles et bourgeois devoirs, de ses déprimantes monotonies, de ses étroitesses et de ses médiocrités. Une apparition facile à prévoir, — mais comment Reine et son père y eussent-ils pensé ? — allait les arracher brusquement tous deux à l’ineffable douceur de cette parfaite entente, et réveiller, chez le père, une énergie et une présence d’esprit qu’il n’avait jamais eues auparavant, qu’il ne devait jamais avoir depuis, pour son propre compte. Mme Le Prieux venait d’entrer dans la chambre. Hector connaissait trop toutes les expressions de ce beau et altier visage qu’il avait tant aimé, qu’il aimait tant encore, pour s’y tromper une seconde, surtout sachant que Mathilde venait de recevoir la visite de Crucé. Elle arrivait, irritée jusqu’à l’indignation. Que son mari eût osé ce qu’il avait osé, qu’il eût intercepté sa lettre à elle, une lettre convenue entre eux, pour en substituer une autre, écrite par lui et dans des termes exactement contraires, c’était une action si exorbitante, qu’elle pouvait à peine y croire ! L’éclat de cette indignation était comme suspendu par la stupeur. Déjà, elle n’attribuait pas la responsabilité de cette audace à Hector. Le regard dont elle enveloppa aussitôt sa fille attestait que, dans sa pensée, elle considérait celle-ci comme la vraie coupable. Mais sa bouche impérieuse n’eut pas même le temps de questionner ses deux victimes, si muettes jusqu’alors, si complètement dociles à la dictature de son égoïsme. Elle n’avait pas fait deux pas dans la chambre que Le Prieux s’était élancé, avec une exaltation qu’elle n’avait