Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

Parce que je ne l’épouserai pas », répondit Reine. Et même dans l’étouffement de sa voix, brisée par l’émotion présente, le père retrouva cet accent de fermeté singulière qui l’avait tant frappé, lorsqu’elle avait refusé le délai offert. — « Tu ne l’épouseras pas ? » répéta-t-il, « mais pourquoi ? » — « Parce que j’ai bien réfléchi », reprit Reine, d’un ton plus ferme encore, « et que je ne crois pas que nous serions heureux ensemble… » — « Non ! mon enfant », interrompit douloureusement Le Prieux, en lui mettant la main sur la bouche, « ne recommence pas à essayer de me tromper… Vois-tu, maintenant que je sais tout, ce n’est plus possible… Oui, je sais votre conversation au bal, et ce que ton cousin t’a dit et ce que tu lui as répondu… Aurais-tu parlé de la sorte si tu n’avais pas réfléchi alors, et si tu n’avais pas cru que tu serais heureuse par lui et que tu le rendrais heureux ?… Quand tu m’as embrassé, avant d’aller auprès de ta mère, hier matin, je sais ce que tu pensais. Veux-tu que je te le répète ? Tu pensais que ta mère allait te parler d’un projet de mariage avec Charles, et tu en étais bien, bien contente. Ne nie pas. Je l’ai lu dans tes yeux au moment même, mais je n’avais pas tout à fait compris. Je comprends à présent. Tu avais réfléchi à ce moment-là, pourtant ?… Et puis je sais encore que tu as écrit à ton cousin, hier, et que vous vous êtes vus ce matin. Ne rougis pas, mon amour, ne tremble pas. Si tu pouvais lire dans mon cœur, tu n’y trouverais