Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

Toutefois, sitôt entré dans l’antichambre, une rencontre inattendue vint détourner son esprit. Il vit le pardessus et la canne d’un visiteur, posés sur la table, et le groom, qui faisait les fonctions de valet de pied, répondit à sa demande que M. Crucé était dans le salon avec madame.

— « Et mademoiselle aussi ?… » demanda Le Prieux. — « Mademoiselle est chez elle, » répondit le petit domestique. « Elle n’est pas sortie de l’après-midi. Elle est souffrante… » Crucé là, à cette heure, — c’était, sans aucun doute, Mathilde avertie, dès maintenant, du coup d’État domestique, par lequel Hector avait substitué sa lettre de rupture à la lettre d’acquiescement qu’il s’était chargé de porter, et dans quelles conditions ! C’était aussi l’explication entre les deux époux rendue inévitable et tout de suite. Le Prieux n’hésita pas. Il fallait qu’il vît Reine d’abord, et qu’il eût, de ce côté, plein pouvoir d’agir. Il dit au petit domestique : « Ce n’est pas la peine de déranger madame. Ne la préviens pas que je suis rentré. » Et il alla frapper à la porte de la chambre de sa fille. Le « qui est là ? » prononcé d’une voix si faible qu’il l’entendit à peine, l’émut presque aux larmes, tant il y devina de lassitude, et plus encore l’obscurité totale où il se trouva, cette porte une fois ouverte. Sous le prétexte d’une névralgie commençante. Reine s’était couchée, les volets clos, les rideaux baissés, dans ces ténèbres volontaires où les femmes ont toutes l’instinct de se blottir, de