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faits et des chiffres auxquels il venait de penser. — « Six heures, » se disait-il en franchissant le seuil du vieux café, « je vais trouver une voiture devant l’Odéon… A six heures vingt, je serai à la maison. Ce sera à peu près le moment où elles rentrent… J’aurai le temps de causer avec Reine avant le dîner. La grande affaire, c’est que la pauvre petite ne passe pas la nuit sur son chagrin. Va-t-elle être heureuse de cette lettre de Charles ? Fanny Perrin avait raison. Elle serait morte de l’autre mariage… Mais comment s’y était-elle décidée ? Voilà ce que je saurai enfin… » Il avait arrêté un fiacre vide, et il y était monté. La question à laquelle son esprit revenait sans cesse, depuis la veille, l’avait ressaisi : « Oui, » reprenait-il, « qu’est-ce que Mathilde lui a dit, pour vaincre sa résistance, et qu’elle n’a pas voulu répéter à son cousin ? Quelle est cette raison mystérieuse, et qui, évidemment, la terrorise ? Mais sa mère elle-même, pourquoi a-t-elle semblé tant tenir à ce mariage ? Ces Faucherot n’ont pour eux que leur argent… L’argent ! L’argent !… Non, Mathilde n’aime pas l’argent. Elle est si généreuse ! Mais c’est vrai que dans cette absurde vie que nous menons, il en faut tellement, presque autant que pour l’existence de cette malheureuse, sur laquelle je viens d’articler… Trois mille sept cents francs un costume !… Mathilde ne s’est certes jamais permis de ces folies, mais elle a beau être une admirable ménagère, et si entendue, les grands faiseurs sont les grands faiseurs, et, depuis que Reine va dans le monde, les frais sont doublés. »