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de rencontre, une lettre de deux pages, qu’il termina par une signature d’une décision presque agressive. C’était un billet pour Crucé, qu’il fit aussitôt porter par un commissionnaire. Est-il besoin de dire que ces quelques lignes coupaient court, par avance, en son nom et au nom de sa femme, à la démarche matrimoniale des Faucherot ? Cette besogne achevée, qui était la toute première mise en œuvre de son plan, il regarda sa montre. Il savait qu’en rentrant rue du Général-Foy, en ce moment, il n’y trouverait ni sa femme ni sa fille. Il songea, comme cela lui arrivait souvent, à passer au journal pour y prendre langue avec le rédacteur en chef, au sujet de sa chronique du lendemain. Puis^ la seule idée du plus léger contact avec sa vie quotidienne, avant d’avoir affronté les deux scènes auxquelles il se préparait, lui fut odieuse. Un ressouvenir de ses habitudes de jeunesse traversa de nouveau son esprit : — « Pourquoi ne travaillerais-je pas ici, comme autrefois ? » Il pria le garçon de lui donner un autre cahier de papier à lettres, une plume neuve, de remplir l’encrier, et, prenant une des gazettes souillées qui traînaient à même le marbre d’une table voisine, il chercha dans les faits divers s’il ne trouverait pas matière à son article. L’assez vulgaire aventure d’une demi-mondaine plaidant contre son couturier attira son regard, à cause des chiffres fantastiques auxquelles étaient tarifées les élégances de la demoiselle, 3,750 francs pour un costume ! Et il commença d’écrire, d’une main non moins délibérée que tout