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gendre. Il s’était levé, une fois la confession du jeune homme achevée, et il marchait, à travers la chambre, de long en large, dans un silence que l’autre n’osait pas troubler. Quoique Charles, lui aussi, trouvât plus inexplicable que jamais l’attitude de Reine, en constatant combien le père lui était favorable, il comprenait, avec son tact naturel, affiné par l’amour, qu’il fallait respecter ce silence… Son cœur battit bien fort dans sa poitrine lorsque Le Prieux s’arrêta tout d’un coup devant lui, et, l’ayant regardé longtemps, lui dit enfin, avec la solennité, sur le visage et dans le geste, de quelqu’un qui a pris un grand parti et qui dicte à un autre une décision irrévocable : — « Vous venez de me répondre en honnête homme, Charles, loyalement, bravement, et moi je vous parlerai de même… Vous aimez Reine, et vous la méritez. Elle vous aime, et il ne dépendra que d’elle qu’elle soit votre femme, vous entendez, que d’elle. Il a été question d’un autre mariage, ces jours derniers, c’est vrai. J’ai peine à m’imaginer que ce soit là l’obstacle auquel elle a fait allusion. Il doit y avoir un malentendu que je ne démêle pas. Je le démêlerai… Je vous répète qu’elle sera votre femme, le jour où elle le voudra. Dès aujourd’hui, vous avez mon consentement. J’ai cru à votre parole d’honneur, tout à l’heure, cela me donne le droit d’exiger que vous me la donniez une autre fois. J’exige que vous me promettiez de ne pas essayer de la revoir, avant que je ne vous y aie autorisé… Il y a une grande sagesse, vous l’éprouvez