Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

m’a paru que l’objet dans les sciences philosophiques est par trop douteux. Mon esprit à moi a comme faim et soif de quelque chose de positif, d’indiscutable. Les sciences naturelles donnent cela. Je me suis donc tourné de leur côté. Puis j’ai réfléchi. Je ne sais pas où tu en es de tes convictions morales ? Moi, je m’en tiens à l’agnosticisme absolu. Je considère que nous ne pouvons pas connaître d’une connaissance certaine s’il y a un Dieu, pour prendre la formule la plus simple, ou s’il n’y en a pas, — s’il y a un Bien ou un Mal, ou s’il n’y en a pas, — un mérite ou un démérite, ou non, — une autre vie, ou non… Il faut agir cependant. Moi, du moins, je sens une nécessité d’agir, surtout depuis que j’ai vu la guerre… J’ai l’impression que j’aurais, dans une tempête, sur un bateau en danger. C’est une honte de ne pas prendre part à la manœuvre, le pouvant. Je me suis rappelé le raisonnement de Pascal, tu te souviens, celui du pari ? Je me suis dit : quelle est, parmi les sciences naturelles, la branche qui se prête à une application pratique telle que cette application soit acceptable dans toutes les hypothèses ? Il m’a semblé que la médecine, comprise d’une façon un peu haute, répondait à ce programme. Examine, en effet, l’une et l’autre solution. Suppose démontrées toutes les théories spiritualistes, va plus loin, toutes les théories chrétiennes. Quel est le devoir ? Soulager l’être qui souffre. Le médecin le fait. Suppose démontrées toutes les théories contraires. A quoi se réduit la morale ? A un instinct d’altruisme qu’il faut constater